Cet article a été écrit par Barth
Club des Tueurs – 1ère soirée – Grands Bourgognes
Après de longs mois d’attente, nous voici tous enfin réunis ce samedi 15 janvier 2011, pour une nouvelle soirée organisée par Serial-Bottler et Laurent en particulier. Nous sommes donc 11, avec Laurent & Carmen, Virginie & Patrick, Benoît & Patrick (qui arrivaient d’une journée déjà bien chargée !), Emilio & Marimar et moi-même venu tout droit du Priorat pour moins de 24 heures. L’idée de se réunir pour déguster, une ou deux fois par an, les meilleurs crus de la planète, est née à la fin du printemps 2010, lors d’une précédente soirée ou la question de savoir quelles seraient les bouteilles à ouvrir en une telle occasion, n’avait pas vraiment trouver de consensus ! Toujours est-il que nous voici avec un peu plus d’une vingtaine de vins, déclinant la Bourgogne; à quelques exceptions prêtes; dans toute sa splendeur.
18h. La soirée peut enfin débuter. Un petit mot sur le lieu, Le Café de la Mairie (http://www.cafedelamairie.ch), qui nous a fait le plaisir de nous accueillir jusqu’à 5h du matin et qui nous a mis une salle particulière à disposition. Le service était excellent et les plats tous meilleurs les uns que les autres. Un grand merci donc à toute l’équipe et aux deux jeune et dynamique cuisiniers, Reto et Frédéric.
Le repas commence par un foie gras de canard au naturel, gelée au porto blanc et épices douces.
Champagne Pommery 1961
Barth: La bouteille est en parfait état et l’étiquette étonnamment aussi. Il y a peu, alors que nous avions ouvert la même bouteille du millésime 1955, nous avions tous argumenté sur le pourquoi du comment d’une étiquette aussi bien conservée sur une bouteille âgée de presque soixante ans, sans trouver de réponse satisfaisante. Ce soir, avec deux bouteilles de Pommery pour nous le prouver, il faut croire que leurs étiquettes sont « humidity-proof » et qu’ils ont trouvé le meilleur produit adhésif qui soit. Bref, je ne crois guère à des faux et ce n’est pas mon palais qui me contredira.
Première bouteille: D’une belle couleur caramel au lait, les reflets d’un doré brillant reflètent comme par magie la lumière en mille petits scintillements. Limpide et clair, le liquide se meut dans le verre avec délicatesse, sans aucune lourdeur. Le nez intense se complexifie en s’aérant, développant des arômes beurrés et toastés sur une touche fraîche de noix. Bonne acidité et sans aucune bulle. La bouche attaque en finesse et se concentre subtilement avec différents agrumes que je n’identifie pas pour ensuite disparaître un peu abruptement. L’oxydation délicate me séduit.
Seconde bouteille: On retrouve évidemment la même identité structurelle avec toutefois une fraîcheur plus marquée par la présence raffinée de microscopiques bulles oubliées par le Temps. De manière générale, cette deuxième bouteille possède un corps minéral plus marqué, mais avec une fin de bouche légèrement moins élégante. Deux grandes bouteilles.
Laurent: on commence la soirée Bourgogne avec du Champagne ! On avoue qu’on ne pouvait pas passer à côté de ce champagne d’exception. Nez beurré, toasté avec du pamplemousse confit. Peu de bulles en bouche, mais de la longueur, de l’acidité et une pointe d’aigreur. C’est vraiment bon. La deuxième bouteille a encore des bulles et beaucoup de fraîcheur. Long, mais après quelques minutes d’aération il me semble plus court que la première bouteille. Un peu de pomme golden en fin de bouche. ça commence très bien !
On continue avec un trio de St Jacques et son carpaccio de 3 carottes et leur beurre de truffe.
Meursault « Les Narvaux » 1999 Domaine D’Auvenay :
Vu que les bonnes choses ne viennent jamais seules, là encore nous avons deux bouteilles.
Barth: Première bouteille: La couleur d’un faible jaune d’or laisse aux reflets cristallins légèrement argentés tout le pourtour du disque pour s’exprimer pleinement. Le 1er nez, intense et frais, impressionne par sa complexité et son côté net, propre et tranché. J’y découvre d’imperceptibles notes d’hydrocarbures qui s’accordent à merveille une touche verte d’asperges sauvages. La bouche, d’une rare longueur, se développe en une montée en puissance maîtrisée et chaleureuse. La fine douceur initiale s’estompe sur une trame serrée et fine laissant ensuite place à un boisé un peu trop envoutant. Manque peut-être un peu de finesse. L’élevage en bois est critiqué par certains ; pour ma part, je trouve qu’il est bien maîtrisé et reflète une décision partiale défendable. Il s’agit de goûts et de couleurs. Après 45 minutes en verre, le tout gagne en élégance et s’arrondit jusqu’à faire des merveilles avec les Saint-Jacques. Que demander de plus ?
Seconde bouteille: Nettement plus tendu que la première, on y sent nettement le potentiel d’une longue garde. Le boisé encore plus présent engendre une discussion sur le rôle des fûts et nous sommes tous d’accord de conclure qu’il s’agît dans ce cas précis d’un infanticide. Toujours est-il que je ne suis pas certain que les affres du temps fassent oublier un élevage trop prononcé qui joue parfois le rôle de « masque » sur le vin lorsqu’il est mal maîtrisé. Ce n’est pas le cas ici évidemment, mais le choix d’autant de bois donne à discuter. Magnifique.
Laurent: Je me retrouve de nouveau face à cette magnifique bouteille. Nez peu expressif, pétrolé, citronné, fumé et toasté. La bouche montre un bel équilibre et une belle acidité. On sent l’élevage, mais avec quelle maîtrise ! Beaucoup de longueur. La deuxième bouteille est plus élégante et démontre encore plus de finesse. Excellents flacons !
Un légèreté de pommes ratte en consommé de boeuf truffé et sa viande va accompagner les bouteilles suivantes:
Clos Vougeot 1911 Maire & Fils :
Barth: Dès qu’une bouteille est chronologiquement plus proche du 19e siècle que du présent, une certaine nostalgie s’installe et j’ai tendance à vouloir pardonner l’impardonnable.
Première bouteille: D’un brun foncé d’une bonne intensité au centre du verre, le liquide est relativement limpide et ses reflets d’un marron noirâtre. Le nez peu expressif et fermé ( ?) s’étale sur un monde tertiaire sans élégance de sang, de cuir et de fumée grise. Notons toutefois une touche de griotte, retenue avec perspicacité par nos deux Patrick, qui pour le coup, auront le droit à presque une bouteille chacun. Le corps rugueux en bouche n’offre que peu d’intérêt et le net déséquilibre alcooleux lui confère une certaine vulgarité.
Seconde bouteille: fidèle à sa consœur, elle se démarque par une madérisation plus marquée. A part peut-être le fait de nous rappeler qu’en 1911 Picasso a eu sa première exposition aux USA et que le Titanic a été inauguré, ces deux bouteilles n’auront eut que peu de mérite.
Laurent: Nous avions décidé d’acheter ces bouteilles, car le millésime était exceptionnel et le Clos Vougeot peut-être très grand ! Malheureusement beaucoup de disparité… Le niveau d’une des bouteilles était proche vidange et le résultat ne sait pas fait attendre: bouchonnée et imbuvable. La première sent le renfermé et la poussière. D’ailleurs après un moment ça ne sent pas bon, nous sommes face à du détergent et heureusement un peu de fruit noir au final. La bouche est épaisse et acide. Nous sommes certes face à un vieux millésime, mais je suis déçu par le manque de tenue de ces deux bouteilles. Ça aurait pu être très grand, mais nous en sommes loin….
Nuits-Saints-Georges Les Lavières 1996 Domaine Leroy :
Barth: Couleur rouge profond parsemée de légers reflets orangé foncé. Le vin d’une belle fluidité semble vivant et propose un panel chromatique varié, allant du rouge violet au rouge orangé selon la lumière. Je ne comprends pas très bien, mais apprécie beaucoup. Le nez m’envoute immédiatement et je reste ému devant le miracle du pinot noir. La complexité est stupéfiante et se développe sur des notes aériennes de conifères et d’eucalyptus. Je repense un court instant aux vieilles bouteilles de Vega Sicilia que je n’ai pas. Les fruits rouges et noirs s’alternent avec précision et finesse. La bouche, sur un niveau tertiaire d’un bon équilibre, est déjà légèrement évoluée. La finale quelque peu acide me laisse songeur. Une belle bouteille. Dommage que la bouche n’atteigne pas la complexité aromatique du nez.
Après 30minutes en verre, le tout a encore gagné en intensité et s’ouvre encore plus (sic)… et se marie à merveille avec les reliques de truffes noires de nos assiettes.
Laurent: A chaque fois que j’ai l’honneur de goûter une bouteille du Domaine Leroy, je sens une excitation monter en moi Je n’ai été que rarement déçu ! Une fois de plus ces deux bouteilles vont faire partie des grandes bouteilles de la soirée. Nez de fruits noirs en attaque et beaucoup de fraîcheur. La bouche démontre une belle acidité et un bel équilibre. Il y a de la matière. C’est tannique, net et vif. Magnifique. La deuxième bouteille a été mise en carafe est on trouve le nez encore plus expressif, plus rond et du cassis. La bouche n’aura rien à envier à la première. Peut-être un peu plus tannique encore. Ce sont des enfants. A garder encore en cave…
Echezeaux 1987 Domaine de la Romanée Conti :
Barth: Première rencontre avec une bouteille de ce domaine, il faut bien le dire, devenu mythique. J’aurais fait les 2000 km de déplacement même que pour cette bouteille, du moins avant de l’avoir goûté. D’un rouge passé, le liquide n’est pas limpide et son éclat général terne. Le nez peu expressif s’ouvre sur des arômes terreux dilués et sales qui persistent. La bouche fidèle reprend à son compte ces arômes tertiaires, mais sableux cette fois, sans relief aucun, la bouche faible s’épuise rapidement. Très peu de fruit avec toutefois une chaleur alcooleuse trop présente. La fin de bouche rêche accentue encore l’absence de corps en amont. Squelettique. On sent quand même l’origine d’un beau pédigrée malgré ces faiblesses apparentes. Après 30 minutes le tout continue sa progression tertiaire sur un sous bois champignonneux avant de se refermer complètement au bout de 50 minutes. Première bouteille de la RC, première déception. La discussion qui s’ensuite est intéressante. Contrairement à ce que nous étions apparemment plusieurs à penser, pas tous les grands domaines tirent leur épingle du jeu lors de petits millésimes. Ce n’est pas mon souvenir d’une Haut-Brion 87 qui m’aurait contredit. Par ailleurs, et je ne cite personne ( !), la qualité du DRC s’est apparemment améliorée depuis le début des années 90 alors qu’auparavant seuls les grands millésimes participent réellement du mythe. Ma trop courte expérience ne me permet aucune argumentation, mais c’est bien noté !
Laurent: Une bouteille achetée pour voir si même dans les petits millésimes la Romanée Conti fait de grands vins (idem pour les 1982). Certes Echezeaux n’est pas le plus prestigieux, mais notre attente était quand même légèrement plus importante que le résultat final après dégustation. Nez relativement effacé et neutre. La bouche manque cruellement de matière et on sent un boisé dominant. C’est terreux et il y a un manque éclatant de fruits. Après une demi-heure, on trouve aussi un peu le sous-bois après un moment. Un vin tristounet et pas au niveau.
Une volaille de Bresse farcie d’un nashi en robe de salsifis, jus court et accompagnement de crosnes du Japon. (Le seul plat qui va nous décevoir durant la soirée due à une cuisson trop appuyée. Dommage, car tous les autres plats étaient excellents)
Echezeaux 1982 Domaine de la Romanée Conti:
Barth:
Première bouteille: Belle densité au centre, légèrement trouble, le vin d’un brun vif, contraste par sa brillance avec la bouteille précédente. Le nez, bien qu’équilibré cette fois, est à nouveau relativement faible. Des notes tertiaires saupoudrées de fruits rouges, mais à nouveau avec un fond sale, diffus, pas net. Court en bouche, frais mais acide et légèrement madérisé. Une nouvelle déception.
Deuxième bouteille: D’une couleur pourpre beaucoup moins évoluée, on retrouve ensuite au nez l’identité précédente, mais cette fois sur un monde tertiaire plus élégant. La bouche, mieux structurée, vive et incisive, revient également sur ces notes terreuses, mais plaisantes, enfin. S’ouvre petit à petit et se complexifie. Le sang et le cuir prennent doucement le dessus et le vin s’améliore nettement. Après une demi-heure, d’agréables notes de torréfaction apparaissent. J’ai le sentiment que cette bonne impression est décuplée par la précédente qui laissait à désirer. Bonne surprise, mais toujours pas convaincu.
Laurent:
On continue la série des DRV avec deux bouteilles du millésime 1982. Grand en Bordeaux, mais petit millésime en Bourgogne. Le premier flacon qui a d’ailleurs un niveau légèrement plus bas que le second ne laissera pas de grands souvenirs aux participants. Nez de cassis vert et de mûre. La bouche est madérisée et déséquilibrée. Une pointe acide dérangeante termine cette première bouteille. La deuxième est plus intéressante. On retrouve au nez des fruits pas mûrs, même un peu verts. La bouche est délicate et plus longue que la précédente. On n’a pas cette acidité dérangeante, mais on est loin d’un niveau convenable pour ce genre de bouteilles. Beaucoup de déception.
La Grande Rue 2000 Domaine Lamarche:
Barth: Vu que personne ne se gêne pour flinguer « mes » bouteilles sur ce site, je ne vais pas commencer aujourd’hui à m’autocensurer pour que l’un des participants à cette soirée voie son contrat de bail renouveler de manière certaine. Bref, certains me comprendront. Le vin est d’une très belle couleur, intense et profonde, ne montrant aucun signe avant-coureur d’évolution. Le nez peu intense, comme timide, présente de belles touches de pâtes d’amande et de poussière de silex. On sent le potentiel et on y croit. Très peu de fruits. Seul bémol au tableau, le léger déséquilibre alcooleux. La bouche est jeune et complexe, dotée d’une belle minéralité avec un corps massif, puissant et élégant. Les tannins soyeux sont parfaitement structurés et laissent au cassis une place de choix. La trame serrée et la longueur en bouche sont impressionnantes. Le vin n’est ni gourmant, ni confit et me plaît par son côté « brut ».
Laurent: J’avais déjà dégusté une bouteille de ce domaine sur le millésime 1999. n’ayant pas été convaincu, j’ai saisi l’occasion pour en acheter aux enchères et me faire une idée plus précise sur ce vin et le domaine. En fin de compte, cette bouteille sera plus intéressante que la première malgré un début qui ne laissait rien présager de bon…Nez austère et alcooleux… La suite n’aura rien à voir. Belle matière en bouche avec un vin dense, tannique et puissant. Nous sommes face à un vin masculin. Un style qui nécessite une très longue garde. Il est bien évidemment trop jeune, mais quel plaisir !
La Tâche 1989 Domaine de la Romanée-Conti :
Barth: limpide et cristallin, l’élégance visuelle contrastant avec les 3 autres bouteilles du DRC précédentes me laisse présager du meilleur. Le nez complexe et multiple se décline d’une base de fond de veau maison qui contraste agréablement avec un côté aérien d’épluchures de légumes proche du C2H5SH. L’attaque en bouche est très fine, délicate, voire même modeste. La structure tannique brille presque par son absence et laisse le vin un peu mou malgré une acidité bien présente. Court. Après 30 minutes en verre, une palette d’arômes d’agrumes se met en place et la peau fraîchement frottée d’orange prend le dessus. Très agréable, mais décevant.
Laurent: On attaque ce qu’on croyait la bouteille de la soirée. Le nez est fermé et inexpressif. Après une dizaine de minutes d’ouverture, on sent le potager et un peu d’oranges amères. La bouche est complètement hermétique et ne s’ouvrira jamais durant le repas. Un vin fermé et qu’il faudrait re-ouvrir dans une quinzaine d’années ! Il y a une présence tannique encore importante et une belle acidité, mais ce soir-là pas d’enthousiasme…la DRC est fermée…circulez il n’y a rien à voir.
On digère avec un trou normand ( servi sans Calavados, merci !) Un champagne pour accompagner ne sera pas de trop…
Champagne Lieux-Dits Ay Jacques Selosse:
Barth: Très limpide et d’un beau brun clair, on y sent une fraîcheur rien qu’aux yeux. Le nez se décline sur la pomme verte râpée, tout en finesse, sans prendre le dessus. Une fine amertume est perceptible au nez et se marie magnifiquement avec des touches de noisettes fraîchement moulues. On trouve également de la pâte d’amande ainsi qu’un certain piquant. Les bulles sont invisibles, mais présentes en bouche. La bouche est délicate et se termine avec une légère astringence. Belle précision. Tout le monde s’accorde à trouver cette bouteille, non millésimée, trop jeune, moi pas. Très beau.
Laurent: Une série très confidentielle de 6 monoparcellaires dont celle de la Côte Faron que nous allons goûter ce soir-là. C’est en fait l’ancienne cuvée blanc de noirs Contraste (pinot). Le nez est magnifique et complexe. Pain d’épice, pomme verte, amande et noisette sont les arômes principaux. En bouche il y a beaucoup de finesse et de précision. Comme d’habitude chez Selosse, les bulles sont aériennes et délicates. Certes c’est encore un peu jeune, mais on a déjà tellement de plaisir !
Pour mettre à l’honneur les deux vins suivants, un superbe dos de maigre de Corse rôti à l’unilatérale, confit de carotte, chanterelles et jus corsé au balsamique.
Bâtard-Montrachet 2002 Domaine Leflaive :
Barth: Très gras, le liquide cristallin arbore sur le disque de magnifiques reflets verts et argentés, témoin de la jeunesse de cette bouteille. Les intenses notes d’agrumes frais viennent immédiatement flatter le nez du dégustateur, mais ne viennent qu’accompagner celles très présentes de l’élevage en fût. Un chardonnay opulent, gras et riche. Grand. Les touches florales d’acacias et de fleurs d’orangé sont très séduisantes. La bouche parfaitement équilibrée, fraîche et longue, est un pur plaisir. Beurre frais et toast s’alternent en finesse pour arriver sur une finale finement astringente qui structure le tout. Le vin est « classique » dans le sens qu’il répond parfaitement à ce que l’on est en droit d’attendre d’un bourgogne blanc. Incroyablement propre. Il est parfait. A mon goût, et surtout au vu de la bouteille suivante dégustée en parallèle, ce vin est « facile » et ne me comble pas au niveau émotionnel. Soyons clairs, on entre ici dans un domaine qui sort de « l’objectif », pour autant qu’il y en ait dans ce domaine.
Laurent: Nez gras, beurré et floral. Il y a une belle amplitude et beaucoup de soyeux. L’élevage est présent, mais bien maitrisé. En bouche c’est superbe. Le vin est opulent, gras et riche. Un grand bourgogne qui me fait plaisir. Une belle bouteille
Criots-Bâtard Montrachet 2003 Domaine D’Auvenay :
Barth: D’un jaune pâle presque blanc avec des reflets verdâtres presque imperceptibles, le vin est cristallin d’une belle liquidité. Le nez est incroyablement complexe et bat en retraite tout ce à quoi l’on s’attend à l’idée de déguster un chardonnay de Bourgogne. Très grande surprise. Il y a tellement d’arômes de fleurs et d’agrumes qu’on est débordé par une telle intensité. On sent un vin travaillé, mais naturel. L’antinomie des termes n’est un paradoxe qu’en surface. On sent le travail de l’homme au service de la nature. La bouche ne déçoit pas. Interminable, structurée et bien équilibrée… des gorgées de bonheur. Elégant et puissant, délicat et costaud, massif et léger… le vin qui allie les extrêmes. Une des plus belles bouteilles de la soirée sans conteste. Comme quoi, les vins « nature » n’ont rien à voir avec ce qui leur sert malheureusement trop souvent de signature, les écuries d’Augias !
Laurent: 187 bouteilles produites et il faut bien avouer que nous sommes face à un monstre. J’ose imaginer ce qu’aurait été le Chevalier-Montrachet ! Au premier nez on sent qu’on est face à un flacon d’exception. Beaucoup de complexité, il y a des arômes de zeste de mandarine, de rhubarbe et d’huile d’olive. Il y a de l’intensité dans le verre. On ne se lasse pas d’ailleurs d’y mettre son nez. La bouche est toute aussi exceptionnelle. Une longueur infinie, de la finesse, de l’amplitude,de l’énergie et un équilibre parfait. Certes on sent encore l’élevage, mais il est déjà parfaitement intégré. Cette bouteille est faite pour braver le temps et il serait intéressant de recroiser son chemin dans une décennie. Un grand moment !
Le repas touchant à sa fin, les 4 dernières bouteilles avant le dessert sont à mon sens les 4 plus belles. Pour accompagner ces vins, un coeur de filet de boeuf en croûte à la périgourdine.
Mazis-Chambertin 2000 Domaine Dugat-Py :
Barth: D’une magnifique intensité, la couleur rouge foncé laisse perplexe et sous-entend que le vin n’est pas filtré. L’élégance fruitée du nez reste peu criarde et ce que je prenais pour un vin complètement fermé se révèle être un monstre de subtilité. La minéralité exacerbée pousse jusqu’à la poussière de marbre et je m’émeus devant la beauté d’une telle modestie. La bouche réitère majestueusement ces premières impressions olfactives, se développant sur une trame très serrée, en dentelle avec toujours cette dominante minérale. Ce vin me fait penser à un aristocrate anglais que rien ne déboussolerait. La finale est sans fin et tout en douceur. Il est à mes yeux le plus « outsider » de notre quatuor rouge final. Je suis troublé et respectueux face à ce vin d’une telle noblesse.
Laurent: On continue avec notre série de rouge et il faut avouer que la première bouteille montre un très beau nez encore une fois. C’est élégant, minéral et une dominance de fruits noirs. En bouche on sent que le vin ne donne pas encore toute sa plénitude, il est encore un peu timide, mais quelle finesse et quelle minéralité ! La trame est serrée et veloutée. Une superbe longueur et un style très dandy !
Clos de Bèze 1999 Domaine Prieuré-Roch :
Barth: belle robe rouge, légèrement évoluée et orangée sur le disque. Cela doit être la 4ème ou 5ème fois que je déguste cette bouteille, et ce, dans ce même millésime, et à chaque fois je reste sans voix. Il s’agit sans coup férir d’une des plus belles émotions que je connaisse avec une bouteille de vin. L’intensité et la complexité de l’étendue aromatique sont prodigieusement extraordinaires. On pourrait prendre le problème par l’autre bout et se demander ce qu’il n’y a pas dans ce nez ! La cire d’abeille et le clou de girofle finissent de m’éblouir. Je comprends enfin ce que les commentateurs veulent exprimer en parlant d’un vin qui, à la manière d’un paon amoureux, « fait la roue ». Dans ce cas précis, l’image me parle. La bouche est fidèle, la finale longue et élégante, le corps structuré et présent, parfaitement équilibré et doté d’une acidité présente, mais se faisant oublier. Afin d’être fidèle avec mes notes, c’est à contrecœur que je mentionne que c’est la seule de ces quatre bouteilles à s’être affaissée, si ce n’est effondré, après une 1h30 dans mon verre. Une heure trente de bonheur absolu, c’est déjà incroyable non ?
Laurent: Me voici encore face à cette superbe bouteille. Je ne vais pas m’étendre sur celle-ci trop longtemps du fait que je l’ai déjà commentée très souvent. De plus, Barth semble bien inspiré . Le nez est d’une belle fraicheur et de beaux fruits rouges croquants font leur apparition. Il y a toujours après un moment des touches végétales. La bouche est elle aussi sur la fraicheur et on ne peut être qu’admiratif de tant de longueurs et d’une aussi belle acidité. Un vin vivant et dans un style très différent d’Armand Rousseau. Superbe.
Magnum Clos de Bèze 2002 Armand Rousseau :
Barth: D’une densité remarquable, la palette chromatique témoigne de la jeunesse de ce vin, en magnum qui plus est. Comme dans le Chambertin 2002, le travail parfaitement maîtrisé du fût accompagne et complexifie encore le vin. La minéralité soutenue contre balance la torréfaction présente, mais élégante et laisse aux baies des bois le loisir de s’exprimer pleinement. On y retrouve la même famille d’épice que précédemment avec toutefois plus d’intensité encore. La bouche puissante s’éternise avec une matière abondante, mais vive, dont l’épaisseur n’apparaît que petit à petit. Les fruits rouges, confits cette fois, se conjuguent au pluriel sur une trame ample et lâche. Une très grande bouteille, avec toutefois une légère tendance alcooleuse. (Notons ici que les deux magnums ont été ouverts la veille, puis mis en carafe 1h30 avant dégustation.)
Laurent: Je m’excuse pour avoir osé ouvrir deux magnums aussi jeunes et innocents… Il est évident que ce vin devrait être bu dans des années, mais la dégustation a démontré que celles-ci étaient déjà exceptionnelles et le plaisir très présent. Quand le vin est bon, il faut le boire…. Je trouve que le nez est complexe avec des fruits rouges. Beaucoup d’élégance. La bouche est aristocratique, fine, équilibrée et très longue. Le vin est tendu et on retrouve une fraîcheur et du végétal très plaisant. Magnifique
Magnum Chambertin 2002 Armand Rousseau :
Barth: D’une faible intensité et étonnamment clair, je reste sceptique de prime abord. Le nez incroyablement intense est prodigieux. Un peu à la manière d’une courbe sinusoïdale, il passe de fruits rouges en fruits noirs, avec finesse ou puissance, sans discontinuer. Je n’ai jamais bu quelque chose de la sorte. D’une belle acidité, presque verte par moment, il continue sur une torréfaction splendide et bien présente, qui lui donne une structure fine et majestueuse. La bouche s’ouvre timidement pour ensuite littéralement exploser et s’amenuiser très très lentement. Le piquant du poivre noir relève les fruits rouges pour faire place peu à peu à des épices plus « sucrés » tels la cannelle et la cardamome. Le pain d’épice est là aussi. Une bouteille incroyable.
Laurent: La veille j’avais gouté cette bouteille qui laissait déjà présager un très grand vin. Le nez est splendide, puissant et rempli de fruits noirs. Nous sommes face à un Roi ! La bouche ne contredira pas le ressenti olfactif. Le vin est superbe, il démontre autant une grande finesse, qu’une puissance bien maîtrisée. C’est très long en bouche et d’une belle complexité. Les fruits noirs explosent en bouche, le poivre et les épices nous réveillent les papilles déjà bien fatiguées. On se laisse plonger dans ce liquide merveilleux. J’aime définitivement la Bourgogne ! Exceptionnel !
Le dessert choisi avec le Sauternes est une déclinaison autour du coing.
Sauternes Château Rieussec 1953:
Barth: magnifique jaune d’or limpide se déclinant sur des tons d’un brun orangé, le liquide m’étonne. Le nez, comme souvent avec Rieussec d’ailleurs, séduit immédiatement par sa légèreté florale, contrastant avec la « signature » olfactive de passablement de sauternes. Les notes d’ananas, de litchi et de mandarine se relient admirablement pour laisser place à un festival de fines épices orientales. La bouche souffre d’un net et triste déséquilibre acide et sa finale courte ne fait rien aider. La richesse de la première impression s’estompe rapidement. Décevant.
Laurent: Le nez est magnifique, nous sommes aux tropiques avec une dominante d’ananas et de litchi. On ne se lasse pas d’y mettre son nez. La bouche ne sera pas aussi envoûtante ! Le vin est fatigué, léger et s’écroule rapidement. Une déception.
On va finir en beauté avec une déclinaison autour du chocolat et un cigare qui accompagnera le vieux madère du XIXe, lien tout trouvé pour notre prochaine soirée dédiée aux vins du XIXème siècle !
Madeira Solera 1898 Henriques & Henriques :
Barth: D’un brun foncé trouble et sans aucun reflet, on excuse ce manque de finesse par son appartenance partielle à un siècle autre. Le nez complexe et étonnement bien équilibré possède une belle richesse aromatique allant de la noix sèche à la fève de Tonca, en passant par le godron et la térébenthine. Le tout reste toutefois relativement plat. La bouche fumée est puissante et boisée, mais l’indistinction des arômes tertiaires péjore nettement ces premières bonnes impressions. Intéressant.
Laurent: Les vins de Madères sont difficiles à cerner pour une grande partie des amateurs. Nous sommes face à un vin oxydatif à l’extrême et qui est souvent incompris. Nez de caramel, de chocolat noir amer et d’oranges amères. La bouche est rustique et manque cruellement de finesse. Nous avons eu, dans le passé, affaire à de plus belles bouteilles et surtout à une plus grande complexité. Bon, mais sans plus.
Une petite mention spéciale pour le Padron anniversario 1964 qui accompagne cette dernière bouteille. Sur ma dernière île déserte, j’en prendrai une boîte !
Un immense merci à Laurent qui s’est porté volontaire, peut-être malgré lui d’ailleurs, pour l’organisation de cette soirée magistrale. Aucune bouteille bouchonnée, une ou deux déceptions, mais rien de grave. Un bonheur sans fin. Pour la touche philosophique : J’ai l’intime conviction que chacune des bouteilles ouvertes lors de cette soirée aurait été « La » bouteille si ouverte seule à l’occasion d’un dîner en amoureux… peut-être que l’aspect didactique que nous aimons tant à ouvrir toutes ces bouteilles en parallèle les unes des autres n’apportent finalement qu’un plaisir « comparant » et laissant de côté la valeur intrinsèque de chaque vin.
Je remercie également celui qui aura eu le courage de lire ces 6 pages de notes de dégustation.
2 Comments
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ludo - 16 mai 2011
6 pages … qui se lisent comme quand on déguste un foie gras idoki mi cuit …
les commentaires poétiques sont plaisants à déguster aussi !
Charlotte - 14 février 2011
Bien que lire ces 6 pages de notes de dégustation m’a fait très plaisir j’avoue que j’aurais préférer assister à la dégustation de ces merveilles! En tout cas votre passion pour le vin est contagieuse et je me fais le plaisir de commencer sérieusement mon éducation dans cette discipline. Bravo et merci pour l’inspiration !