Cet article a été écrit par Barth
La Guerre et le Vin, Don & Petie Kladstrup
Encore un ouvrage dont le titre ne fait que peu rêver, mais qui donne malgré tout l’envie d’en savoir un peu plus. Une « étude » à l’américaine dédicacée aux filles inspiratrices du couple auteur ; le contraire nous aurait déçu. Avec quatre pages de notes de renvoi en fin d’ouvrage, La Guerre et le Vin se veut un livre sérieux, témoignage de l’époque trouble de la Seconde Guerre mondiale. Nullement dédié aux relations générales qu’entretiennent le vin et la guerre en général (on se souviendra des fureurs alcoolisées d’Alexandre le Grand, mais cette histoire-ci reste à être contée), ces pages se consacrent uniquement aux passions gustatives des hauts dignitaires du troisième Reich ainsi qu’aux vignerons et personnages, français principalement, qui dans la tourmente des années 1940 auront su faire passer le Vin, avec un grand V s’il vous plaît, avant tout et souvent au détriment de leurs propres personnes. Noble but s’il en est, mais dont la forme manque de rigueur et de référence. En effet, avec son caractère trop anecdotique, le lecteur aura par moment le sentiment de lire un roman historique dont les sources ne sont que trop souvent faiblement avérées. Ainsi, bon nombre d’histoires dans l’Histoire, sont apparemment le fruit de discussions ou d’interviews que les auteurs auront menés puis retranscrits, fidèlement nous l’espérons, auprès des divers personnages importants du monde vitivinicole tels que Philippine de Rothschild, Ghislain de Vogue, Robert Drouhin ou Georges Hugel.
Ainsi, l’introduction s’ouvre sur la description solennelle, digne d’un roman de Dan Brown (il aurait peut-être été irrévérencieux de nommer Proust ici), de la découverte en ce début du mois de mai 1945 de la cave d’Adolf Hitler, par un sergent de la 2e division blindée du général Leclerc. Emotions garanties. 500’000 bouteilles sont au rendez-vous et pas des moindres. Le lecteur à même le droit aux dialogues. Ceci me fait penser qu’il faut absolument que je revoie cet épisode de la série « Band of Brothers » qui raconte ce même événement pour voir si les dialogues correspondent ; après traduction anglais-français évidemment… Le lecteur regrettera aussi la présence, du moins dans la version française, de témoignages photographiques comme il se fait souvent en un feuillet central pour ce genre de livre. Bref, on l’aura compris, notre procès d’intention étant terminé, il est temps de relever quelques points positifs.
M. & Mme Kladstrup éclairent l’important rôle des Weinfürers, tels Ribbentrop, von Papen ou Heninz Bömers, qui en charge de divers postes les mettant en situation de négocier à leur avantage, du moins au début de la guerre, avec les vignerons français, fournissaient les caves personnelles des dirigeants nazis. On y apprend la préférence de Goebbels pour les bourgognes et celle de Goering pour les bordeaux. Ces deux régions, auxquelles on peut y ajouter le champagne, ont vécu, survécu et tenté de sauver leurs trésors embouteillés respectifs de manière bien différente et souvent avec génie. Les caves furent quasi systématiquement murées en bourgogne, la partie inaccessible protégeant les précieux flacons des vues de l’envahisseur, alors qu’en Bordelais, il était devenu commun que les étiquettes n’indiquent plus le contenu du contenant. Ceci expliquant peut-être les déceptions actuelles que suscitent parfois l’ouverture de certaines bouteilles de ces années là.
Le tableau général dressé par les auteurs reste de bonne facture, malgré ses lacunes et donne plaisir à lire. Le livre donne surtout envie de continuer les recherches commencées, et de retrouver par exemple les textes écrits à l’occasion de la « Fête du Vin » organisée par Gaston Huet dans son camp de prisonniers le 24 janvier 1943, jour de la Saint-Vincent, saint patron des vignerons. A partir de ces informations factuelles, l’imagination du lecteur fera le reste.
Un bon livre donc, sur un sujet difficile. On comprend mieux ce à quoi ont été exposées certaines bouteilles qu’on ouvre aujourd’hui et qui nous font si volontiers voyager dans le temps, pour le pire et parfois pour le meilleur.
La Guerre et le Vin, Don et Petie Kladstrup, coll. Tempus, éd. Perrin, 2002, pour la trad. franç.
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